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07/06/2013

Turquie : rien à voir avec les "printemps arabes"...

...lancés par des pro-américains et captés par des islamistes :

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Istanbul, place Taksim. 

 


 

Analyse d'Ali Bektas, dans le média en ligne Counterpunch. Extraits :

 

<< Ce qui se déroule sous nos yeux dans les rues d'Istanbul est la convergence entre d'une part, une petite, mais croissante gauche anti-capitaliste qui a organisé diverses campagnes à caractère social ces dernières années, et d'autre part une large part de la population urbaine loyale aux idées kémalistes de modernisme, sécularisme et nationalisme. […]

L'origine du soulèvement actuel prend sa source dans le plan immobilier visant un parc près de la place Taksim, au cœur d'Istanbul. Ce projet n'estqu'une partie d'un important projet de rénovation urbaine que le premier ministre Erdogan, a prévu pour le pays tout entier. Il inclut des schémas [de boboïsation] pour les quartiers pauvres des villes comme Tarlabasi, la construction d'un troisième pont pour relier les deux continents, et même un énorme projet de troisième canal reliant la Mer noire à la mer de Marmara, afin de faciliter le passage des porte-containers : plan surnommé le "projet fou" d'Erdogan.

[La place Taksim est un lieu-symbole des luttes populaires]. Le 1er mai 1977, un demi-million d'ouvriers et de révolutionnaires y menèrent une manifestation épique, […] six ans après le sanglant coup d'État au cours duquel trois étudiants turcs avaient été pendus par un tribunal militaire. Durant cette année de manifestations, 34 personnes furent tuées sur la place. […] À chaque premier mai, les émeutes qui ont pris place durant les sept dernières années se sont toutes centrées autour de manifestants essayant de rejoindre la place Taksim. […Aujourd'hui,] sous prétexte de transformer la place en zone piétonnière, le gouvernement d'Erdogan (qui a aussi en charge la municipalité d'Istanbul) a adopté des plans sans consulter les habitants, pour démanteler des larges parts de Taksim et y construire des centres commerciaux et autres projets pour riches. […] Le parc de Gezi est le point de mire de la rébellion : sa destruction a été prévue pour construire à sa place la réplique d'une caserne militaire de l'ère ottomane, Topçu Kışlası, qui sera surtout utilisée à des fins commerciales. Ce n'est pas une coïncidence pour le gouvernement AKP […]  : ces casernes furent le lieu d'un isoulèvement islamique en 1909. Ceci se rajoute à la décision d'appeler le troisième pont du nom du sultan Yavuz Selim, tristement célèbre pour avoir assassiné en masse la population alévie d'Anatolie.

[Qui défend le parc Gezi ? Les grands syndicats, la nouvelle gauche indépendante, les jeunes écolos anti-autoritaires, réunis par la plate-forme Taksim Solidarity "contre la transformation de la ville en un terrain de jeu capitaliste encore plus élaboré, construit en lieu et place des espaces publics"]. Ce n'est pas leur première campagne contre la « rénovation » urbaine : il y a deux mois, des affrontements ont éclaté entre des cinéastes et la police qui a déployé les gaz et les canons à eau. Les cinéastes essayaient de sauver un célèbre cinéma turc, Emek, condamné à devenir lui aussi un énième centre commercial.

[…] La bataille pour sauver le parc de Gezi n'était pas portée à la conscience du public turc jusqu'à ce que la police organise des raids deux matins d'affilée les 29 et 30 mai. L'outrage de la brutalité policière a été l'étincelle qui a embrasé le pays tout entier et qui a transformé la bataille en une rébellion nationale contre l'actuel gouvernement.

Néolibéralisme islamique

L'AKP, le parti au pouvoir, devrait être observé à la lumière du paysage géopolitique du Moyen-Orient qui est en pleine mutation. Il a des racines fortes dans l'islam politique et perpétue la tradition d'autres partis politiques issus des années 90 qui avaient été réprimés par l'armée, parfois alors qu'ils étaient au pouvoir. En fait, Erdogan lui-même a d'abord été emprisonné pour avoir incité publiquement à une sédition islamique. L'aspiration avouée d'Erdogan et de ses cadres est le "projet néo-ottoman" qui tend à faire de la Turquie la principale puissance économique et politique du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord. Les coups de force politiques d'Erdogan sur la Syrie et la Libye doivent être contextualisés avec ces aspirations.

À la différence de l'Union européenne et des États occidentaux, la Turquie a connu ces dernières années un important boom économique (avec une croissance annuelle de presque 10 %). Bien que le déficit commercial et le taux réel de chômage soient élevés, bien que ce qui restait dans les mains publiques soit bradé au travers de privatisations massives, la crise est contenue en Turquie et le gouvernement actuel a le vent en poupe sur ce plan. C'est ce qui fait de la révolte d'Istanbul une révolte à part. C'est une révolte contre le développement du boom économique, contre les projets destructeurs de rénovation urbaine et l'hyper modernisation des villes. [...]

La Turquie a été l'une des premières cibles de la restructuration néolibérale des années 80, durant laquelle le premier ministre Turgut Özal a facilité des privatisations massives portant sur ses usines, ses mines et de manière générale, sur toutes les infrastructures du pays. Le gouvernement AKP, et Erdogan en particulier, a réussi à faire entrer ce régime néolibéral dans le 21e siècle, recouvert d'un populisme islamique. De plus, sur le marché mondial, il a réussi à promouvoir en tant que forces néolibérales les entreprises qui avaient une base islamique. Ceci peut être notamment observé dans le nord de l'Irak où la majeure source de capitaux est en réalité turque. Nous devrions nous rappeler que le modèle turc a été proposé par les puissances occidentales comme une issue possible pour les soulèvements qui ont marqué les printemps arabes. Grâce aux combats menés ces derniers jours dans les rues de Turquie, ce modèle de néolibéralisme islamique est maintenant remis sérieusement en question. >>

 

Texte-source : Counterpunch via Investig'action. 

 

Commentaires

ERDOGAN LE BETONNEUR

> Certains ont voulu faire un parallèle en tre de Gaulle et Erdogan. Certes les points soulevés présentent un certain intérêt, mais tout geste, encore plus politique, doit être éprouvé à l'aune de sa finalité. Si j'ai bien lu, ici la finalité de la restructuration de cette place est double : lui enlevé son poids historique, et en faire un "temple" commercial.
Certes il y a là sans de l'ambition pour son pays, mais j'imagine très mal de Gaulle acceptant une telle finalité !
Le parti de M. Erdogan étant islamiste, on constatera au passage que cela ne protège guère du veau d'or.
Surtout on ne peut aussi que constater l'absence de tout regard écologique de M.Ergodan (et de son parti ?) tant sur ce projet que sur celui du 3ème pont (tout au nord, qui inciterait à l'urbanisation complète du détroit).
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Écrit par : franz / | 07/06/2013

ARABES ET TURCS

> D'ailleurs, pourquoi vouloir agréger les manifestations en Turquie avec les « printemps arabes »? Bien sûr, les peuples arabes et turcs ont une certaine histoire commune, qu'ils partagent également avec quelques pays membres de l'Union Européenne : l'Empire Ottoman. Mais nous n'avons pas affaire à la même langue, au même ensemble culturel, etc.
Et ne parlons pas de l'Etat, de son fonctionnement, etc. Les différences sont patentes.
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Écrit par : Blaise / | 07/06/2013

LE REGIME

> Les Turcs ne combattent pas un régime autocratique, contrairement aux Tunisiens et aux Égyptiens il y a peu. On ne peut que regretter cette maladie journalistique qui consiste à user et abuser des amalgames.

B.

[ PP à B. - La dérive autoritaire d'Erdogan est avérée. ]

réponse au commerntaire

Écrit par : Blaise / | 07/06/2013

> Distinguons. Une « dérive autoritaire » ne se confond pas avec un régime autocratique.
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Écrit par : Blaise / | 07/06/2013

CHRETIENS

> Si ce n'est pas un printemps arabe, tant mieux pour les rares chrétiens de Turquie, car lesdits printemps leurs sont funestes.
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Écrit par : Pierre Huet / | 07/06/2013

@ Pierre Huet

> A propos des « printemps arabes », cela ne sert à rien de tomber dans l’angélisme ou de verser dans le noir. Et c’est bien le problème : avec les journalistes, nous avons eu droit, successivement, à deux versions opposées – en blanc puis en noir – de ces puissants mouvements populaires qui ont secoué la Tunisie, l’Egypte et même un court moment la Libye et la Syrie.
Ces révolutions ont en commun le refus net et décidé des régimes autocratiques post-coloniaux qui ont marqué les pays arabes, en connexion avec une exigence de justice sociale. De telles aspirations sont difficilement contestables. Dans un second temps nous ne pouvons que regretter la transformation de certains « printemps » en guerres civiles ; mais affirmer tout de go : « c’est la faute aux révolutions arabes », serait un peu simpliste. Les responsabilités sont mêlées, et ne s’arrêtent pas aux frontières nationales.
Quant aux communautés chrétiennes, n’exagérons pas ! le conflit entre musulmans et coptes ne remonte pas à la chute d’Hosni Moubarak ; quant à la Tunisie, où la plupart des chrétiens sont des étrangers, on peut difficilement parler de persécution.
Je ne prends pas en compte les pays entrés dans une logique de guerre civile. Notons tout de même que les Etats-Unis portent une lourde responsabilité dans la déstabilisation des communautés chrétiennes au Moyen-Orient, - justement parce qu'ils ont généré et entretenu la guerre civile en Irak.
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Écrit par : Blaise / | 08/06/2013

CANONISER ?

> ne canonisons pas trop vite ces "révolutionnaires" ... ces militants anti-capitalistes ne sont-il pas eux même des bobo ?
je connais peu le sujet, mais cet article du figaro http://www.lefigaro.fr/international/2013/06/06/01003-20130606ARTFIG00619--istanbul-le-parc-de-gezi-s-est-transforme-en-kermesse-libertaire.php ) parle plutôt d'une alliance libertaire (LGBT and co)


[ PP à BC :
- Il n'est pas question de canoniser qui que ce soit.
- pour parler d'un mouvement social, Le Figaro n'est pas une source ! ]

réponse au commentaire

Écrit par : Benoit C / | 11/06/2013

@ Blaise

> Oui, bien sûr! Mais il est certain que la situation des chrétiens est terriblement aggravée par l'affaiblissement des Etats, tant par les révolutions que par l'intervention occidentale (Irak).
Dans le cas égyptien, si le conflit est, comme ailleurs, plus que millénaire, la situation des Coptes s'est encore dégradée.
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Écrit par : Pierre Huet / | 12/06/2013

Les commentaires sont fermés.